Et...Action !

Mardi 20 janvier

Cinéma/
Sur la route de la rédemption


« Wild » : une rédemption sauvage

Abîmée par les excès et par les chagrins, une femme entreprend un long trek
à travers la nature californienne.


Quelques années après le succès éclatant et amplement justifié du Into The Wild de Sean Penn, qui m'avait personnellement bien secoué, et je ne suis pas un cas isolé, au vu des épigones du défunt Chris McCandless ayant fleuris sur Facebook, on assiste depuis quelques mois à un retour en force du film d'aventure sauvage. Après «Vie Sauvage », sorti cet automne, l'histoire d'un père qui élève ses enfants en marge de la société, entre campements de fortune et communautés, d'un bout à l'autre de l'hexagone, c'est à présent au tour de « Wild » de s'installer dans nos salles obscures.

Cheryl Strayed, Oregon, 1995
       Jean-Marc Vallée, auteur d'un coup de maître en 2014 avec Dallas Buyers Club, s'appuie une nouvelle fois sur un fait réel et continue de creuser un thème qui lui est cher, celui de la rédemption Comme Ron Woodrof dans DBC, ancien cowboy homophobe qui monte un business d'aide aux malades du Sida après avoir failli y passer, Cheryl Strayed désire se racheter une conscience, et plus largement mettre sa vie entre parenthèses, suite au décès de sa mère et à quelques 30 années d'une vie dissolue, très Sexe, Drogue et Rock'n'roll : « je prends du plaisir quand je couche avec tous ces mecs, et quand je me drogue aussi. En dehors de ça, j'ai envie de me tirer une balle ». Elle répond alors à l'appel du grand air, et décide de partir ratisser la Californie du sud au nord, en empruntant le sentier de randonnée mythique du Pacific Crest Trail, qui serpente sur plus de 4000 kms à travers les grands espaces de la côte ouest américaine, entre déserts arides, landes neigeuses et forêts touffues, que strillent des rivières et des lacs à la beauté irréelle. A la différence de Mc Candless, elle ne souhaite pas tourner définitivement le dos à la société mais simplement la laisser de côté, le plus longtemps possible, du haut de son tout nouveau patronyme, « strayed » (errant en français) qu'elle prend après sa rupture amoureuse.

En effet, une très longue randonnée en solo l'attend, avec pour seul moyen de locomotion ses mollets, son souffle, ainsi qu'une bonne dose de volonté : « si ta volonté te lâche, dépasse là », citation de la romancière E.Dickinson que la fan' de littérature se répète en boucle, alors qu'elle est à deux doigts de craquer, écrasée par la chaleur suffocante du désert de Mojave. En revanche, comme son homologue aventurier, elle part « à la rencontre de la beauté » de la nature sauvage, posture enseignée par une mère à l'esprit romantique, et entend se mettre à l'épreuve : nuits sous la tente, bouillie froide comme seul repas et un sac à dos en guise de maison d'un poids déraisonnable, qu'un des rares randonneurs qu'elle va croiser surnomme le « monster ».

Vue irréelle sur le Pacific Crest Trail

    Après un départ difficile, la jeune femme, interprétée par une Reese Witherspoon juste et émouvante dans ce rôle à contre-emploi, abat les kilomètres les uns après les autres, malgré quelques mauvaises rencontres et des blessures nombreuses, qu'elle solutionne ou ignore avec une force de caractère impressionnante. Seule la plupart du temps, cette grande traversée de vastes étendues sauvages est l'occasion pour elle de se redécouvrir elle-même. Une quête spirituelle et romantique filmée avec un sens du réalisme bluffant, caméra épaule.
La photo est absolument splendide, via des plans larges à couper le souffle et, avec une bande-son faite de classiques bucoliques comme Homeward Bound de Simon and Garfunkel ou encore Box of Rain du Grateful Dead, nous plonge durant 2 heures dans une douce rêverie, face à tant de beauté et de simplicité.

Seul bémol, le recours trop récurrent aux flash-backs qui, s'ils sont indispensables pour comprendre les raisons de sa fuite et mesurer tout ce que représente cette aventure pour elle, font parfois tomber le film dans l'écueil du mélo larmoyant. "Wild", malgré sa beauté formelle et son romantisme indéniable, se situe ainsi un peu en dessous de DBC, et bien en-dessous du chef-d'oeuvre Into The Wild.

Box Of Rain, du Dead
La BO idéale d'un trek sauvage



Mardi 2 décembre

Cinéma/

Festival/


J'ai assisté jeudi soir à une soirée du festival Shadows, qui célèbre depuis 2006 le cinéma indépendant chinois. Avec à l'appui une programmation riche et pointue, fruit des prospections sur le terrain de son programmateur, Antoine Hervé, le festival nous fait découvrir durant plus d'une semaine des cinéastes chinois peu ou pas connus en France. Avec un regard personnel, ils racontent les phénomènes à l'oeuvre dans les marges de la Chine contemporaine. Homosexualité, misère, territoires abandonnés, autant de réalités que l'Etat Central bâillonne de sa censure. Des films à rebours de la "vision" officielle du pays, comme l'explique Antoine Hervé : "la raison d'être du cinéma est de donner à voir le monde selon sa propre perception, et non de corroborer une réalité officielle impersonnelle, comme l'a fait "le promeneur d'oiseau", choisi pour représenter la Chine aux Oscars".

Le film que j'ai vu dans la jolie salle du cinéma d'art et d'essai "studio des Ursulines", "4 ways to die in my Hometown", est le premier de son auteur, l'artiste et écrivain Chai Chunya. En racontant le triste destin de son village natal, il apporte un regard sans concession sur la situation dramatique de la campagne chinoise.



Chronique de l'ombre à Shadows

"4 ways to die..." : un film beau et noir sur la mort de la campagne chinoise



La campagne chinoise à terre.
Film expérimental, "4 ways to die in my hometown" est une variation contemplative sur la mort, allégorie ici de l'exode rural à l'oeuvre en Chine suite à l'expansion économique du pays, qui a provoqué des flux migratoires considérables des campagnes vers les agglomérations littorales.
Dans un décor désertique, fait de forêts, d'espaces sauvages et de champs à l'abandon, le cinéaste Chai Chunya explore le thème du trépas et du néant à travers les quatre éléments fondateurs de la vie : la terre, l'eau, le feu et le vent, qui stratifient le récit en plusieurs parties distinctes. A chaque élément correspond un rituel funéraire local, qui nous sont exposés ici en détail, comme cette mystérieuse danse où l'on voit les villageois déambuler un flambeau à la main, pour la partie consacrée au feu. Un très beau témoignage sur des traditions envolées.
Au moyen d'une mise en scène minimaliste et d'un recours récurrent au plan séquence, le cinéaste mène une réflexion élégiaque sur l'existence. Une chanson folk hypnotique jouée à plusieurs reprises, que viennent compléter des vers de poésie traditionnels d'une grande puissance sémantique, achèvent de nous plonger dans sa sombre rêverie sur le néant. Alors que ses deux jeunes filles l'attendent pour manger, un père de famille déprimé reste enfermé chez lui, dans un cercueil, depuis 6 ans, attendant désespérément le retour du vieux monde.
Derrière la caméra : Chai Chunya
Un constat triste et sans appel sur la mort de la campagne chinoise, à travers le dépeuplement massif de ce petit village de la province du Gansu, province bâtarde coincée entre le plateau mongol et les montagnes du Tibet, où Chai Chunya est né en 1975. Le premier film d'un artiste multicartes, qui a touché à l'écriture, au voyage, et nourrit une obsession pour le mythe tibétain. Une très belle découverte du cinéma indépendant chinois, qui a le grand mérite de nous conter les désastres engendrés par la transformation du pays ces dernières années, en dépit de la censure de l'Etat Central, qui veut à tout pris cacher ses zones d'ombres.





Lundi 10 novembre

Théâtre/



Regards croisés sur...

"Les Cartes du Pouvoir"


Le suceur


Plus dure sera la chute

Dans "Les Cartes du Pouvoir", on suit la
descente aux enfers d'un tacticien politique

Adapté d'un texte de l'américain Beau Willimon, qui a déjà inspiré le film "Les Marches du Pouvoir", cette pièce explore les dessous d'une campagne politique aux USA.
Dans la même veine cynique et cruelle que la série « House of Cards », du même auteur, "Les Cartes du Pouvoir" posent un regard cru et sans illusion sur la politique, où de talentueux communicants sont prêts à tout pour gagner, au risque de renier leurs convictions politiques et de trahir leurs plus proches collaborateurs. Qu'ils soient démocrates ou républicains, ces hommes laissent les idées sur le bas-côté pour mettre enplace des stratégies de communication efficaces. Dans ce contexte, l'atmosphère est étouffante. Steve (Raphael Personnaz, au sommet), dir'com de la campagne démocrate et personnage central, se brouille avec son boss' après avoir un peu trop sympathisé avec l'ennemi républicain. Dans le même temps, son assistant, un jeune
ambitieux lèche-bottes (joué par son frère, Julien Personnaz), menace de prendre sa place.

On suit la chute irrémédiable de ce trentenaire accro à la politique, qui vacille progressivement sous la pression. Raphael Personnaz, aperçu au cinéma dans Quai D'Orsay, incarne à merveille ce fin calculateur qui finit par péter un plomb. Une débauche d'énergie remarquable de la part de l'acteur, qui en fait même parfois un peu trop. Les conflits d'intérêt entre journalistes et hommes de pouvoir sont aussi abordés, tout comme les
rapports de force classiques, avec cette jeune stagiaire qui a déjà couché avec tous ses responsables. Caricatural mais réaliste.
Des pop-songs actuelles interviennent comme des respirations bienvenues, distillant un peu de légèreté dans cette ambiance anxiogène, dans un décor de grattes-ciels impersonnels et de trottoirs blanchis par la neige. Une satire politique moderne au constat implacable : de nos jours, la politique se joue comme un match de foot. Au regard des querelles internes, leurs injonctions à "changer le monde" paraissent bien ironiques. "Moi au moins, je peux encore me regarder dans un miroir", lâche, sûr de lui, le directeur de campagne Paul Marra. On a du mal à y croire.
Pour se rassurer, on peut se dire qu'il ne s'agit là que d'une œuvre d'art. Si seulement.

Maxime Jammet
Le puncheur
 
Intoxications théâtrales
Comme une impression de bourrage de crâne… Au sortir de la pièce Les Cartes du Pouvoir, jouée depuis la rentrée au théâtre Hébertot à Paris (XVIIe), l’auteur de ces lignes se demande en titubant, comment il a pu supporter pendant deux heures une mise en scène aussi écœurante, faite de pathos et de mélo à gogo. La recette semblait pourtant alléchante. Prenez une pincée de journalistes, ajoutez-y des communicants et hommes politiques, versez à haute dose de la tactique politicienne et mélangez le tout dans une primaire démocrate à la présidence des États-Unis. Ingrédient supplémentaire, Les Cartes du Pouvoir est une adaptation française d’une pièce américaine écrite par Beau Willimon, le célèbre créateur de la série télévisée House of Cards. Succès assuré, a priori. Si seulement… 
Malgré un Raphaël Personnaz détonnant en attaché de presse-conseiller de campagne du gouverneur Morris, la mise en scène souffre terriblement d’un recours, assez systématique, aux grosses ficelles. A la limite du poujadisme. Conflit d’intérêt, collusion entre les politiques et les journalistes, abus de position sur la stagiaire sexy, et surtout, des coups tordus à profusion. Le moment phare de la pièce, si l’on peut dire, arrive lors d’une rencontre au sommet. D’un côté un vieux briscard directeur de campagne du candidat démocrate adverse, et de l’autre, le brillant mais non moins arrogant Personnaz. Une scène kitsch à souhait où le piège, plutôt évident, se referme sur le fougueux conseiller désormais coupable d’entente avec l’ennemi électoral. Disgrâce assurée, suivie d’une interminable chute dans les abîmes de la meute politique où le jeune loup devient la brebis galeuse de la primaire démocrate.   
A ce moment-là du spectacle la salle de théâtre Hébertot, plus proche du cimetière que du premier emploi, se divise en deux catégories : ceux qui se sont endormis ‒ comme mon voisin de gauche ‒ et ceux qui ont subis. Un des mérites du film Les marches du pouvoir, inspiré de la même pièce et réalisé par Georges Clooney, était de ne pas avoir saoulé le spectateur par un registre pitoyable à souhait. Ici malheureusement, les politiques restent de fait, les méchants, et les citoyens les idiots si ce n’est les veaux.
Les anarcho-écolos apprécieront, les autres, beaucoup moins. 
Canardeau Déchaîné
Infos-pratiques: 10 euros en 1ère catégorie pour les étudiants, un tarif très avantageux. Boulevard des Batignolles, métro Rome ou Villiers. (L2).


Mercredi 22 octobre

Cinéma/



"Soirée Johnny Rotten" : arnaque not dead



Je me suis rendu hier soir à la "Soirée Johnny Rotten" proposée par MK2 alors que sort ces jours-ci "La rage est mon énergie", une auto-bio bien dense dans laquelle le punk aux cheveux blancs revient sur plus de 30 années de révolte anti-système.
Dédicace, rencontre, projection..Je m'en pourléchais d'avance les babines. Mieux, j'ai tapé plusieurs sprints dans le métro pour arriver à l'heure et ne pas rater une seule miette de cette soirée à priori placée sous le signe du punk.
18h45. J'entre dans le grand hall du MK2 Bibliothèque, où se tient la dédicace. File d'attente énorme qui avance à la vitesse d'une tortue sous cannabis. Je me dirige directement vers la salle, où la "Soirée Johnny Rotten", comme indiquée sur l'écran, doit se prolonger. Je vais pouvoir discuter avec le master of rebellion, avachi dans un fauteuil bien rembourré. "La poignée était ferme", "il fait du sport", me signalent quelques fans. Ça promet du grand spectacle. Un ancien punk manifestement alcoolique et malade comme un chien, s'est quand même traîné jusqu'ici pour voir son héros. Une indication sans appel sur le caractère exceptionnel de la soirée. 

20h. La star arrive, fringues débraillées et tignasse en pétard. Grand sourire sur mon visage, je suis tout excité. Le vigile, en état d'alerte au cas où des allumés d'extrême-droite débarqueraient pour foutre un pain à Johnny, nous ouvre les portes. Je m'installe au second rang. Un type du MK2 monte sur l'estrade : "nous sommes vraiment désolés, mais Johnny Rotten a décidé, au dernier moment, de ne pas participer à la rencontre". La "Soirée Rotten" tourne court, ça commence à sentir l'arnaque. Certains quittent la salle en marmonnant des insanités. Moi-même énervé et très déçu, je reste malgré tout, rapport aux 7,50 que j'ai craché. Voyons le film.. J'ai pas regardé le synopsis, mais je m'attends à un docu sur le punk ou à un film avec un rapport au sujet de la soirée. Mais non, "La chatte sur un toit brûlant" est un film des années 50, qui n'a donc, au vu de sa date de sortie, aucun lien avec la soirée annoncée.
Pas de rencontre, une projection hors-sujet : l'événement est en fait aussi proche du Do it Yourself que Zemmour des "décadents".

Encore sous le coup de la déception, je reçois les premières images du film sans y prêter attention. Finalement, je suis emporté au bout d'à peine 15 minutes par la puissance du récit. Huis-clôt haletant qui met en scène les déchirements d'une famille à l'aune du décès du grand-père millionnaire, "une chatte sur un toit brûlant" se révèle jouissif. Homme d'affaire dur au mal, à l'américaine, "Big Daddy" a construit "un empire" avec ses hectares de plantation sur lesquels se tuent à la tâche des noirs mal payés. L’aîné, avocat et père d'une famille de 5 enfants, ne serait pas contre l'idée de récupérer le pactol. Vénal et sans état d'âme, il ne veut rien laisser à son petit frère. Brick, ex-star de foot tombée dans l'alcool incarné par un Paul Newman en état de grâce, est le mouton noir de la famille. Son couple avec Maggie (Elizabeth Taylor, somptueuse) bât de l'aile, il n'a aucun gosse et passe ses journées à se siffler du whisky.
La parodie de fête d'anniversaire laisse rapidement affleurer toute la haine qui sévit dans la famille. Mensonges, dissimulations, hypocrisie..Tous les non-dits éclatent au fil du récit, au moyen de dialogues vifs et bien ciselés, récités par les plus grands acteurs de l'époque. Le personnage de Brick, rongé par la honte et le dégoût de lui-même, est très touchant. La scène de réconciliation entre lui et son père, à la toute fin, touche à la perfection.
Adapté d'une pièce de théâtre de Tennessee Williams mise en scène par Elia Kazan (dont les films ressemblent de façon troublante à celui-ci), "La chatte sur un toit brûlant" est un chef-d'oeuvre d'un réalisme noir sidérant. Je ressors émerveillé par tant de grâce et de justesse d'écriture. Johnny Rotten, qui s'est défilé comme un bel enfoiré, est déjà bien loin..


Un extrait du film, sorti en 1958, et qui n'a pas pris une ride.






Mercredi 12 juin

Théâtre/


Le Misanthrope se libère à l'Odéon


          Depuis le 22 mai et jusqu'au 29 juin, le théâtre de l'Odéon présente une nouvelle adaptation du Misanthrope de Molière. Ce nouveau Misanthrope, mis en scène par Jean-François Sivadier, est libre et moderne. Pour exemple, la pièce commence pied au plancher avec Alceste qui danse comme un excité sur Should I Stay or Shoud I Go des Clash avant de jeter des chaises dans tous les sens. Le reste du spectacle est dans la même veine, avec parfois même une énergie très punk. La scénographie ainsi que les costumes et musiques utilisés sont également très modernes. En effet, le sol est recouvert d'un "sable noir" composé de morceaux de poubelle déchirés, les acteurs sont en kilt, et les choix musicaux vont de la musique classique du 18e au punk des années 70. En revanche, au niveau du texte, c'est mot pour mot ce qui a été écrit par Molière. Et, contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce classicisme extrême des mots s'accorde en fait très bien avec la modernité de la mise en scène, qui à l'arrivée sert le texte originel. Avec le jeu des acteurs, elle retranscrit très bien la violence du propos de Molière dans cette pièce.
        Les comédiens, peu connus du grand public car issus du microcosme du théâtre, sont tous très bons, généreux, éloquents. Mention spéciale à Nicolas Bouchaud, interprète d'Alceste, qui incarne à merveille cet anti-héros désabusé, idéaliste et asocial. Face à un personnage aussi dur à jouer car dingue et instable, il s'en sort très bien, au prix d'un combat de 2 heures avec cette bête à dompter qu'est l'Alceste de Molière.
En plus des dialogues théâtraux classiques, on a aussi droit a de beaux passages de danse et de chant, qui apportent un peu de diversité au spectacle. Il faut enfin souligner la belle interactivité instaurée entre les acteurs et le public de l'Odéon, qui est interpellé et sollicité à plusieurs reprises. Une expérience de théâtre "totale". La représentation se termine après 2h30 de très beau spectacle, sans réelle entracte et sans baisse de régime, sous les applaudissements nourris d'un public hétérogène, melting pot entre connaisseurs et jeunes lycéens venus avec leur classe. Un bon signe en ce qui concerne la santé de la Culture en France, qui plus que jamais s'adresse à tous les publics.


Les réactions de quelques spectateurs, croisés sur le parvis en pierre de l'Odéon, après le pestacle :


Une lycéenne venue avec sa classe, qui n'a pas lu le livre de Molière et n'avais jamais vu Le Misanthrope au théâtre, "a beaucoup aimé la mise en scène".

Un autre, d'une vingtaine d'années, "avait déjà vu Le Misanthrope au théâtre, il y a 9 ans aux Bouffes du Nord". Il a "préféré celle-ci car je ne me souviens pas de l'autre !". C'est effectivement un argument valable. Il ajoute : "j'ai bien ri, ça m'a plu, même si il y avait des moments un peu inégaux. En tout cas ça marche très bien dans le comique". Il trouve que l'idée de mettre les Clash au début est très bonne et les acteurs très bons.

Un autre groupe composé de 3 personnes me répond ensuite longuement. Ils n'avaient "jamais vu Le Misanthrope au théâtre avant ce soir". La première personne "a beaucoup aimé, ça m'a surpris, mais c'était un tout petit peu long". 
Son ami "a beaucoup aimé la mise en scène. J'ai trouvé que le contraste entre la modernité de celle-ci et le classicisme du texte servait ce dernier, finalement. Ce contraste permettait de se concentrer sur les dialogues, qui n'étaient pas noyés par la mise en scène. 
Pour le dernier, "c'était un spectacle très riche, aussi bien par la mise en scène que par le jeu des acteurs, la façon de faire participer le public. J'aime aussi la distanciation qui se dégage de cette pièce, on a toujours un regard extérieur sur le texte, c'est assez étrange, une sensation un peu étrange".
 Le premier reprend : "l'entrée en scène (avec la musique des Clash) peut être surprenante, mais avec les kilts et le reste, ça reste assez cohérent. Il y a un mélange d'époque intéressant. La fin est assez violente mais justement cette violence est bien mise en scène. Cette femme seule dans l'angle, avec tous les autres personnages qui l'acculent, et aussi avec le sable noir, tout ça représente bien la violence". 
La-dessus, la seconde personne ajoute : " c'est vrai que la mise en scène met en valeur la violence de la pièce". La troisième conclue : "cette fin est vraiment violente, et très parlante". On l'aura compris, ce Misanthrope a plu, a surpris et a inspiré les spectateurs. Le contrat est rempli pour Jean-François Sivadier.

Vidéo EXCLUSIVE de la représentation :







Vendredi 26 avril 
L'affiche de la pièce

Théâtre/ 



Je me souviens…

Un homme seul plonge dans ses souvenirs, dans une
pièce à la scénographie décharnée




Ces jours-ci, la Manufacture des Abbesses, petit théâtre montmartrois, présente « La mort de Marguerite Duras », pièce écrite par le dramaturge argentin Eduardo Pavlovski en 2000, et ici mise en scène par Bertrand Marcos.  C’est l’histoire poignante, tendre et parfois drôle d’un homme, dont on ignore le patronyme, qui revient de façon fragmentée sur un passé plus ou moins douloureux.
Jean-Paul Sermadiras, unique acteur de cette
pièce minimaliste
Tout commence avec la vision de cette mouche, qui agonise seule sur un mur. Seul, lui aussi, il l’observe dans ses derniers instants, se posant mille questions. « Pourquoi est-elle seule, où sont les autres mouches ? ;  Souffre-t-elle ? ». Puis, « à 3h18 », elle rend l’âme. Epris d’une soudaine empathie pour ce pauvre insecte dont il se fout habituellement, il décide de la baptiser Marguerite Duras, rapport aux tendances solitaires de cette dernière. L’homme, mélancolique, fatigué et isolé, plonge alors dans ses pensées et revient sur des moments marquants de sa vie antérieure. Il évoque tour à tour le vide intérieur qui parfois le fait vaciller, sa manie de vouloir tout contrôler, les vacances en famille avec ce père qui lui chuchotait des mots crus à l’oreille, les individus qu’il frappait pour gagner de l’argent, une course-poursuite haletante dans les hautes herbes, sa bien-aimée Aristo, avec qui il a pu goûter un peu au bonheur, etc. Enfin, une chambre d’hôpital, où coulent les larmes, avant qu’une épidémie de rire se propage sans raison dans tout le quartier. La police intervient. Il repense à cette mouche, « Marguerite Duras, morte à 3h18 ». La boucle est bouclée, la pièce terminée.
L’acteur Jean-Paul Sermadiras accomplit une belle performance en tenant ce - quasi – monologue de 50 minutes presque sans faute, avec justesse et intensité. Seul, au milieu d’une scénographie minimaliste, il réussit à nous accrocher du début à la fin. Le décor est sombre, quelquefois éclairci par une faible lumière, en accord avec l’évolution des émotions du personnage. La voix de son unique amour vient interrompre à 2 ou 3 reprises son monologue intérieur. Hormis quelques petits bruits ainsi qu’une légère nappe sonore, l’ambiance est silencieuse, propice au recueillement de cet homme.

Infos-pratiques: la "dernière" avait lieu mercredi soir.
Vendredi 19 avril 2013

CINEMA/



« Spring Breakers », mélange réussi entre teen-movie
et film noir

            Harmony Korine, cinéaste culte de la scène indépendante américaine, qui fut notamment le scénariste du célèbre « Kids » de Larry Clark, revient en force cette année avec un nouveau film. Malgré les craintes plus ou moins justifiées de certains au vu du casting, de l’histoire un peu convenue et des affiches assez racoleuses, « Spring Breakers » se révèle être un très bon film, pas si loin du chef-d’œuvre. Il raconte la descente aux enfers de 4 jeunes étudiantes originaires du Midwest, par ailleurs très à leur avantage physiquement, dont le « Spring Break », rite estudiantin US festif et hédoniste, vire au drame.
Tout avait pourtant bien commencé. Après avoir réuni l’argent nécessaire en braquant une station-service, les 4 copines débarquent à Miami pour faire la fête, « s’évader, se découvrir », le temps d’une semaine de relâche pas comme les autres. Soleil, plage, sexe, drogues, fêtes interminables, rencontres.. Un cocktail explosif correspondant à une certaine vision du paradis, pour cette jeunesse assoiffée de sensations fortes. Seulement, le « Spring Break », répété tel un mantra par nos héroïnes et en voix-off jusqu’à plus soif, va progressivement se transformer en un enfer angoissant, à l’opposé de leurs aspirations initiales. Après un bref séjour en prison pour cause de détention de drogues, elles se retrouvent een compagnie d’Alien, prototype du Gangsta blanc campé par un James Franco éblouissant. Adieu la gentille fête étudiante, place au monde bien moins angélique de la pègre locale, où règne la loi de la jungle. S’en suit un enchainement d’épisodes malheureux qui va aboutir à une fin sanglante surréaliste, dont les vainqueurs ne sont pas vraiment ceux auxquels on s’attend.
Les 4 actrices sont toutes assez justes et réussissent assez bien leur reconversion « indé », à coup de prise de stup’ et de poses suggestives en bikini. Formellement, Korine réussit une véritable prouesse artistique, maniant à merveille sa caméra, parfois façon Godard, et usant d’effets lumineux, néons et couleurs saturées, avec brio. On est ainsi profondément plongés dans cette ambiance de débauche totale. Il nous accroche du début à la fin, sans aucune baisse de régime. Chapeau l’artiste.





 Mardi 16 avril 2013

CINEMA/


«No», ou comment un publicitaire fit tomber Pinochet


             3e long-métrage du jeune cinéaste chilien Pablo Larrain, «No» nous plonge dans un moment fondamental de l'histoire politique chilienne, le référendum de 88. Face à la pression internationale, Pinochet, sûr de gagner, convoque une consultation populaire pour légitimer son régime. Seules 15 minutes d'antenne sont laissées quotidiennement au camp du «Non», dont les chances de l'emporter sont très minces.
 René Saavedra, publicitaire de talent interprété par un Gael Garcia Bernal (Carnets de Voyage) toujours aussi juste, est sollicité pour participer à leur campagne. De simple conseiller il passe rapidement au rang de concepteur en chef. Malgré la fronde de quelques-uns, il réussit à imposer son langage publicitaire. A l'inverse des militants politiques voulant dénoncer la brutalité du chef d'État, il veut une campagne «joyeuse, attrayante», susceptible de «faire rêver» les chiliens, pour qu'ils se déplacent en masse le jour du vote. Surtout, éviter de ressasser le passé. Ainsi, il utilise les ficelles de la publicité, stratégie payante très certainement à l'origine de la défaite de Pinochet. A la fin du film, on voit même une foule en ébullition scander le slogan inventé par Saavedra, «Chile, la alegria ya viene!», suite à la victoire du «Non».
René Saavedra, publicitaire idéaliste incarné avec
brio par Gael Garcia Bernal
        
    La caméra de Larrain, mouvante et instable, imprime un certain réalisme. La qualité de l'image est volontairement «mauvaise», proche du documentaire, ce qui accentue cette impression. Nécessaire et intéressant historiquement, «No» n'est en revanche pas très marquant. Un film qu'on oubliera vite.









Vendredi 15 juin 2012


Une éducation PUNK

Le nouveau film du Norvégien Jens Lien, « une éducation Norvégienne », est actuellement projeté dans quelques salles de cinéma. Comme dans « Le Grand Soir », sorti aussi le 6 Juin, le punk en est le sujet central. Ce long-métrage relate l'adolescence tumultueuse d'un jeune Norvégien de 14 ans dont la vie change radicalement suite à l'écoute de « God save the Queen » des Sex Pistols.
 Nikolaj dit adieu à sa gentille coupe au bol et se métamorphose en un véritable punk, avec tout ce que cela comprend. Bonjour les épingles à nourrice dans la joue, la désinvolture, la provoc', la bière et la poudre blanche. Son père, un quinqua baba-cool éteint depuis la mort tragique et accidentelle de sa femme, ne réagit pas. Pire, (ou mieux?),il encourage son fiston dans sa fuite en avant. Le gamin s'éduque au No Future. Il se révolte contre l'ordre établi, fabrique ses vêtements lui même selon les règles du Do it yourself, et intègre un groupe de Punk nihiliste et cradingue. Souvent poilant, le film tombe par moments dans la caricature du punk. En revanche, en mêlant scènes tragiques et situations barrées et comiques (notamment la scène, hilarante, du jeune punk dans un camp naturiste que fréquente parfois son père), il se fait plus original. Les acteurs sont plutôt bons, tant celui qui joue le fils que celui qui interprète le père, vraiment bon en vieux hippie anti-capitaliste. On a même droit à une apparition inattendu de Johnny Lydon himself, ancien leader/chanteur des Sex-Pistols, à la toute fin du film. Et la B.O du film, totalement punk évidemment, décoiffe comme une crête iroquoise. Un film que je conseille aux amateurs de Punk, de culture hippie, et aux révoltés de tout poil.

Ci dessous, "God save the Queen" des Sex-Pistols, élément déclencheur de la métamorphose Punk du jeune Nikolaj :







Lundi 20 juin (2011!)


Une réflexion métaphysique sur le sens de la vie humaine

Critique du film de Terrence Malick, palme d'or au Festival de Cannes, "The tree of life" 
Note : 4/5

Ce film est à coup sûr l'un des événements cinématographiques les plus marquants de cette année 2011. Tout d'abord car Malick est un réalisateur d'envergure mais peu productif, ce tree of life était donc grandement attendu. Ensuite car ce long-métrage explose les codes du genre, plonge le spectateur dans un monde onirique et prend des risques au niveau de la mise en scène assez incroyables. C'est le genre de film qui n'a pas été conçu dans sa relation avec le spectateur, mais en tant qu'objet cinématographique à part entière. Libre ensuite aux spectateurs de s'approprier cette production filmée d'une grande singularité, qui peut en dérouter plus d'un.
The Tree of life est un long-métrage volontairement décousu qui ne possède pas de réelle structure scénaristique. Si les premières minutes, qui nous donnent à voir une famille endeuillée suite au trépas d'un de ses trois enfants, pourrait laisser entrevoir un scénario bien ficelé, le reste du film est tout à fait déroutant. Durant plus de 2h Terrence Malick jongle entre les époques, entre les lieux, entre les points de vue. Si bien que le spectateur se retrouve tour à tour plongé au cœur d'une banlieue américaine classique des années 50 pour ensuite côtoyer de ses yeux ébahis d'immenses dinosaures naviguant en pleine préhistoire.





 Samedi 4 Juin

De l'ambiguïté de la rupture

Critique du film d'Elise Girard intitulé "Belleville Tokyo".
Note : 3,5/5

Anna et Julien, couple de trentenaire parisien, se séparent sur le quai de la gare de manière assez furtive et inattendue, sous l'impulsion de Julien qui semble t-il s'en va voguer vers Venise pour retrouver la passion amoureuse. On comprend assez rapidement qu'il essaye en fait d'échapper à sa future condition de pater familias puisqu'Anna vient de tomber enceinte. Alors qu'ils se remettent ensemble quelques semaines plus tard suite à son retour, Anna se met à espérer sans trop y croire. De plus elle même, abasourdie par la lâcheté et la fuite spontanée de Julien, n'en a plus vraiment envie. A peine le couple "reformé" le spectateur comprend grâce à des signes anodins qu'il ne sont plus tout à fait sincères. D'un point de vue contextuel, cette histoire se déroule au sein d'un milieu cinéphile parisien, plutôt intello. Lui est un critique reconnu, elle travaille pour le compte d'un petit cinéma de quartier qui diffuse essentiellement des films Américains. Ainsi la réalisatrice, qui signe ici un film en partie autobiographique, en profite pour insérer certaines mises en abîme du cinéma comme lors de la scène de projection d'un film de Visconti.
Ce long métrage de courte durée (un peu plus d'1h10) explore la complexité d'une situation de rupture amoureuse, qui survient dès les premiers soubresauts de l'histoire. Leur séparation, pourtant consommée dès l'entame du film, s'étire indéfiniment. Cette situation complexe se traduit par de multiples va et vient, des mensonges (dont la référence au titre du film lorsqu'il téléphone de Belleville en lui faisant croire qu'il est à un festival de cinémé à Tokyo), des faux-semblants et surtout un bon nombre de non-dits. Malgré un rejet de l'un pour l'autre qui saute aux yeux Anna et Julien se bornent à rester ensemble, à ignorer la vérité, à échapper à la simplicité. Et même si le futur bébé qu'attend Anna pourrait expliquer tous ces maux, il n'en est pas le seul responsable. Ils sont tous simplement incompétents en matière de rupture, par manque de courage et de volonté. Les "je t'aime" de Julien, les petites attentions d'Anna sont purement factices.
Cette relation pourtant triste et cruelle est filmée de manière parfois décalée et humoristique ce qui nous donne à voir un couple exaspérant et presque comique. On éprouve de la peine à observer leur incapacité à communiquer alors qu'ils veulent tous les deux la même chose, se quitter définitivement. Car si leurs échanges extérieurs sont d'une grande ambiguïté, leurs sentiments intérieurs sont on ne peut plus clairs. Chacun sait, personne ne dit. Les langues vont finalement se délier mais de manière très lente et très violente. Plutôt que d'avoir une discussion d'adulte posée pour mettre les choses au clair, Julien et Anna laissent échapper de manière pince sans rire des remarques assassines. Elle le dégoute : "tu ressembles de plus en plus à une baleine", il l'exaspère "tu sais le film qui parle d'un garçon paumé". Tous ces non-dits, tous ces sentiments forcés et toute cette haine comprimée vont finalement exploser au nez et au visage des deux protagonistes à la toute fin du film, après plus de 6 mois de tension et de crispation. 6 mois de frustration qui ressortent en un instant et libèrent enfin nos deux parisiens de ce carcan conjugal.
Du côté de la mise en scène, elle est assez sommaire à cause de moyens surement limités. Cela incite l'auteur à se concentrer sur son sujet à savoir Anna et Julien. De nombreuses scènes sont filmées avec dérision et ce dès l'entame lorsque l'annonce fatidique de Julien à Anna est couverte par le bruit d'un train. L'actrice principale Valérie Donzelli exécute son rôle de trentenaire blasée et charmante avec grand talent. L'interprète de Julien est légèrement moins performant et moins authentique, mais réussi tout de même dans les grandes lignes son rôle d'intello attardé sur le plan sentimental.
La bande originale du film signée par la plume de Rock'n'Folk Bertand Burgalat (qui fait également un caméo) n'est pas très conséquente. Tout au plus a-t-on droit à 3 ou 4 instrumentaux ambiants et mélancoliques. En revanche la belle chanson de Gainsbourg "ne dis rien", chantée par Anna et Julien lors d'une scène de fausse réconciliation joviale, sert grandement le film.
Malgré une histoire intéressante et profonde le film laisse percevoir quelques faiblesses, notamment au niveau de la durée, trop courte au vue d'un pitch qui aurait mérité une bonne dizaine de minutes supplémentaires.


 Mercredi 18 Mai

 Une ballade tendre et tragique. Bouleversant.

 Critique du film "La ballade de l'impossible, Norwegian Wood" 
Note : 4,5/5

Ce long métrage du Nippon Tran ahn Hung narre les péripéties amoureuses de jeunes japonais à la fin des années 1960 entre insouciance, rêve, et relations tumultueuses sur fond de libération des moeurs.
Affiche du film : Wanatabe et Naoko.
Durant les premières scènes du film on découvre 3 jeunes étudiants japonais, liés par l'amitié, dans leur environnement étudiant. Deux garçons, Kizuki et Wanatabe ainsi qu'une fille, Naoko qui trainent ensemble mais dont on ne connaît pas grand chose les concernant. A peine quelques minutes après le début du film un évènement inattendu survient. Kizuki se suicide dans une voiture en s'asphyxiant au gaz. A ce stade de l'histoire il est impossible pour le spectateur de comprendre son geste. En revanche on assimile rapidement la voie tragique que le film va emprunter. A la suite de ce suicide, la caméra se recentre sur Wanatabe et ce jusqu'à la fin du film. Après s'être retrouvés par hasard alors qu'ils ne se fréquentaient plus suite à la mort de leur ami commun, Wanatabe et Naoko nouent une relation amicale. Ils deviennent de bons amis mais font particulièrement attention à ne pas aborder le sujet de la mort de Kizuki, tabou. Jusqu'au jour où ils vont finalement coucher ensemble, relation durant laquelle Naoko connaît son premier véritable orgasme.
Cette scène de sexe qui constitue la colonne vertébrale de l'histoire est admirablement filmée entre le cru et le sensuel. Le réalisateur ose faire des plans larges très explicites sur les corps tout en donnant à la scène une belle touche esthétique. La passion des corps qui s'entrechoquent ainsi que le désir sexuel des deux étudiants sont palpables. Par mégarde Wanatabe demande à Naoko si elle couchait avec Kizuki, interrogation à laquelle elle refuse de répondre, les larmes aux yeux. A la suite de ce double évènement ils s'éloignent l'un de l'autre. Elle part habiter à la campagne pour soigner des problèmes psychologiques alors que le garçon reste étudier à l'université. Suite à ce contact incroyable qu'il a ressentit durant leur rapport sexuel le garçon tombe amoureux de la fille alors même qu'elle est partit.
Wanatabe et Naoko
Durant le reste du film on suit Wanatabe qui partage son temps entre la faculté et les visites qu'il rend Naoko qui sombre progressivement dans une dépression inquiétante à la limite de la folie.A mesure que le temps leur relation se délite de plus en plus. Wanatabe reste éperdument amoureux et nostalgique de leur unique et passionnel rapport sexuel alors que Naoko se referme irrémédiablement sur elle même et n'arrive pas à se laisser aller au moindre baiser. Elle lui avoue finalement qu'elle se comporte de cette façon car elle n'arrive pas à oublier Kizuki dont elle était amoureuse. Elle lui explique qu'ils s'aimaient tous les deux mais que lorsqu'ils passaient à l'acte elle ne ressentait étonnamment aucun orgasme. Ils avaient tout essayé, en vain, et c'est donc la raison pour laquelle Kizuki s'est suicidé au début du film. Malgré ces révélations Wanatabe persiste à penser qu'elle va guérir et qu'ils pourront enfin s'aimer, alors que l'état psychologique de la fille se détériore.  L'ambiance à la faculté contraste nettement avec la solitude et le désespoir de ses visites au milieu de la forêt. Les étudiants japonais sont en pleine révolte et en pleine libération culturelle, s'inspirant du mouvement hippie et contestataire encore florissant. On les voit tour à tour manifester, jouer de la musique Rock'n'roll, faire la fête, faire l'amour librement. Le foyer dans lequel vit le héros résume bien le contexte de l'époque : posters psychédéliques, étudiants sapés en rockeurs, salle de répétition. Malgré cette effervescence étudiante le jeune héros reste très solitaire et ne s'autorise que peu de débordements. Il lit beaucoup et n'hésite pas à partir voyager deux semaines dans la nature sans aucune compagnie, sac au dos. Il noue une relation avec une jeune étudiante, Midori, mais n'en reste pas moins très amoureux de Naoko. Jusqu'au bout du film il croira au rétablissement de leur relation, espérances définitivement éteintes lors du suicide de la Naoko. Cette évènement l'anéantit complètement, ce qui le pousse à s'échapper de la ville dans laquelle il étudie pour aller vivre au bord de la mer dans un campement de fortune. Après avoir frôlé la mort sur ces terres inhospitalières il revient finalement à une vie conventionnelle et essaye de passer à autre chose. Il établit une relation amoureuse avec Midori qu'il avait déjà fréquenté de manière passagère pendant l'année. Mais le souvenir de Naoko ne cessera de le hanter jusqu'à la fin de sa vie. Comme ce fut le cas pour Naoko à propos de Kizuki, mais Wanatabe est plus résistant et ne se suicidera pas.
Wanatabe, héros solitaire et grand lecteur
  De l'aube du film à son crépuscule les acteurs, tous japonais, font preuve d'une grande sensibilité et d'une incroyable implication dans leur rôle. Le spectateur est littéralement captivé durant 2h par les émois amoureux et les tragédies de ces jeunes hommes et femmes qui sont interprétés par de jeunes acteurs de grand talent. De nombreuses scènes sont particulièrement touchantes, charnelles, et ne sombrent jamais dans le sentimentalisme. Ici les sentiments éprouvés sont crédibles, l'intensité passionnelle palpable. De cette sincérité dans le jeu des acteurs découle un attachement immédiat du spectateur aux personnages. Si ces derniers transpirent l'amour on est emporté dans leur tourbillon amoureux alors que si ils souffrent l'empathie nous prend à la gorge. Difficile de rester insensible au regard de cette histoire à première vue banale mais tellement profonde et complexe. C'est la quête de l'amour impossible que filme Tran Ahn Hung. Le héros principal est tombé amoureux en une soirée Naoko de manière inexplicable. C'est l'amour tout simplement, cela n'est pas raisonné. Mais elle ne l'aime pas. Le même phénomène se produit avec Midori amoureuse de lui mais qu'il n'aime pas. Aucun des couples ne peut donc se former et chacun reste dans son chagrin amoureux. Ces jeunes adultes découvrent avec impuissance la complexité des rapports sentimentaux, et la douleur insupportable qu'entraîne chacune de ces déconvenues.
La musique occupe également une place importante dans ce film. La bande originale teintée de folk, de rock, de musique psychédélique et de pop sixties (La chanson des Beatles, utilisée comme co-titre du film fait partie de la BO) est le miroir de toute une époque. Le seul point négatif réside dans la représentation de la nature, trop parfaite, trop belle, trop verte




 Lundi 2 Mai

Billet sur le film de Wim Wenders "Pina".
Note : 4/5

La 3D au service de la grâce

Généralement peu enclin à l'idée d'assister à une projection 3D, je suis pourtant convaincu à la vue de l'affiche du film "Pina", car le relief peut me semble t-il avoir son utilité dans le cas d'un film sur la danse. Et je n'ai pas été contrarié. Les lunettes qui me fatiguaient habituellement les yeux resteront scotchées sur mon nez durant 2h tant le spectacle proposé est réjouissant. Une ode à la danse, l'anti Black-Swan.
La technologie utilisée est encore plus évoluée que celle des simples lunettes "réal 3D" que tout le monde connait. Ces lunettes ci clignotent et recouvrent totalement les deux globes oculaires. Dès la première scène on sent une histoire d'amour naître entre la danse et la technologie 3D. Deux groupes, l'un composé de danseurs et l'autre de danseuses se font face sur une immense surface recouverte de terre battue. Chacun des deux clans s'attirent, se repoussent, se scrutent sans jamais réellement rentrer en contact, tout en dansant évidemment. Cette confrontation par la danse éclate au yeux du ciné-spectateur grâce à la 3D qui magnifie les mouvements, intensifie les gestes et permet de décomposer chaque visage avec une extrême précision. Avec ces lunettes magiques il est plus aisé d'interpréter les mouvements ainsi que les expressions du visage. Un atout de choix car la danse est avant tout un moyen d'expression, surtout chez la défunte chorégraphe Pina Bausch. Cette dernière, très rigoureuse, a toujours incité ses danseurs à aller chercher au fond d'eux mêmes, à se donner corps et âme. Ils doivent vivre intensément la danse pour mieux exprimer leurs sentiments.
Ainsi une jeune danseuse de la troupe nous explique que la danse l'a libéré et lui a permit de se décoincer. Désormais elle n'a plus peur de se montrer et accepte volontiers de dévoiler ses émotions. Car ce film-hommage, s'il se compose en grande partie de pures scènes de danse issues du répertoire de Pina Bausch, est entrecoupé d'interventions des danseurs qui viennent livrer leurs impressions personnelles et nous éclaircir sur la vision de la danse de leur chorégraphe, pas toujours accessible. Ainsi pour la défunte allemande un danseur doit tout mettre en œuvre par des mouvements, des postures, des courbes particulières pour montrer son émotion au public. "Pour cette scène je veux que tu transpires la joie alors trouve les mouvements appropriés", disait Pina.
Durant le film on sent tour à tour des danseurs euphoriques, effarouchés, timides, libérés tout simplement. Certaines chorégraphies peuvent rentrer au panthéon de la danse, comme celle de l'homme arbre ou encore de l'humain luttant contre les éléments, tant elle sont révélatrices de pans de l'âme humaine. 


Lundi 18 Avril.

Billet sur une pièce de théâtre vue le 8 avril à Paris 6e.
Note : 3,5/5

Une marche lente et humble vers le néant.

Arrivé seulement 15 minutes avant le début de la représentation je réussis à acheter une place pour Adagio, et quelle place. Une fois les portes du théâtre de l'Odéon ouvertes, un employé me conduit dans l'orchestre, à hauteur de la scène, au 4e rang sur un siège placé en plein milieu. Je suis parfaitement situé pour admirer la pièce pour la modique somme de 16 euros, grâce au tarif réduit réservé aux étudiants Parisiens. L'odéon, théâtre parisien d'époque d'apparence magnifique a fait salle comble, pour une des dernières représentations de cette pièce intitulé sobrement « Mitterrand, le secret et la mort ».
Olivier Py, le metteur en scène, s'attaque une nouvelle fois à la thématique de la mort et retrace ici durant plus de 2h les 15 dernières années de la vie du « Sphinx » qui coïncident avec son double septennat. La scène du théâtre de l'Europe a été aménagée pour l'occasion sous la forme d'un imposant et large escalier débouchant sur une immense bibliothèque. Cette dernière est une métaphore des grands projets que l'ancien président a mené à bien durant ses années à l'Élysée , comme la construction de la Bibliothèque nationale de France. Elle tend également à rappeler l'amour que portait Mitterrand à la littérature et à la pensée, deux composantes assez importantes de la pièce.
Durant plus de 2h, il se confie au public, parfois seul ou accompagné de ses plus proches collaborateurs. Le spectateur de théâtre est plongé dans la vie privé du « Sphinx », à l'intérieur de laquelle il apprend de nombreuses indiscrétions. Car Mitterrand est un grand maître dans l'art de garder secret certaines affaires, comme sa maladie, qui est l'autre thème central de la représentation. Dés le début on assiste à l'entrevue qu'il a eu en 81 avec son médecin qui lui apprend qu'il est atteint d'une grave maladie. Cette scène, qui marque le début des atermoiements du président est très touchante. Son médecin personnel lui apprend qu'il est atteint d'un cancer, sentence à laquelle il réagit deux deux manières : il est tout d'abord profondément affecté, désabusé, d'autant plus qu'il vient de célébrer sa victoire quelques mois auparavant ; il digère vite sa peine et ordonne violemment, d'une voix forte qui résonne sous la coupole de l'Odéon, à son médecin de ne rien dire à personne. Ce secret sera caché au public jusqu'en 1993.
Les projections les plus clémentes lui donnent 3 années à vivre. Mais il n'est pas un homme comme les autres. Ces 3 années, comme on le sait vont s'étirer sur plus de 15 ans, années durant lesquelles il luttera au quotidien pour dissimuler sa peine. C'est sa longue marche vers la mort, destin qu'il accepte progressivement, que Py retranscrit sur un rythme Adagio. Dans ses moments les plus douloureux, durant lesquels on voit un homme tomber violemment à terre, agonisant, il se réfugie dans les livres. Car il croyait en la toute puissance de la pensée, de la conscience, de l'esprit. Philippe Girard, qui interprète d'une bien belle manière Mitterrand, nous gratifiera donc de nombreux monologues philosophiques, de réflexions sur la vie et la mort, propos en partie romancés par l'auteur de la pièce. Sa croyance en l'esprit l'incite jusqu'au bout à refuser la prise de morphine, qui annihilerait ses capacités réflexives. Il choisit la souffrance et affronte dignement son destin. Ces moments de solitude, qui caractérisent la fin de sa vie sont entrecoupés d'interventions de ses amis proches, qui viennent lui rendre visite. Parmi eux, de nombreux hommes politiques et proches collaborateurs, comme Robert Badinter, Jacques Séguéla, Bernard Kouckner ou encore Henri Emanuelli... Cette atmosphère politique est toujours sous-jacente, même dans les moments les plus intimes du président. On assiste aussi à de grands moments d'histoire, comme le discours de Badinter sur l'abolition peine de mort, le discours de Mitterrand soutenant les opprimés, émouvants. A travers ces différents prismes on distingue deux Mitterands, l'intellectuel et le calculateur. Car même si il restera à jamais fasciné par la littérature, la raison, l'égalité il n'en reste pas moins quelqu'un de très pragmatique, analyste, qui sait que le pouvoir ne se gagne pas seulement grâce aux idées.
A la fin de la représentation, les chutes au sol du président sont de plus en plus fréquentes, le secret de plus en plus difficile à dissimuler. A mesure qu'il s'affaiblit, on observe le Sphinx s'intéresser progressivement à la nature, aux choses simples. Ce n'est en fait qu'un retour aux sources, confirmé par Mitterrand lui même qui nous raconte avant la fin ses passions adolescentes qui étaient la poésie et l'air frais de la nature.
Sentant le souffle de la mort approcher, il se réfugie dans sa chambre Parisienne seul avec ses livres, comme il le voulait. Son dernier livre en main est "le livre des morts tibétains", un ouvrage présent avec le président tout au long de la pièce. La dernière scène représente un président se levant une dernière fois, venant au devant des spectateurs pour leur dire une de ses dernières pensées : « l'homme s'en va, emporté par l'épaisse couche du temps.. ». Une fin émouvante et poignante, qui me laisse songeur durant le reste de ma soirée parisienne.

Nevermax pour vous servir et plus si affinités.





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