Parole au peuple

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Jeudi 16 octobre/

Voyage au coeur des salles de concert new-yorkaises 



Par Lauren Georges, contributrice de Profondeur de champs et conseillère en déglingue dans KPL Wood, une émission dédiée à l'indie-rock sur radio VFO.


Après avoir vécu six mois irréels dans un loft à Brooklyn avec sept colocs, je redécouvre peu à peu la vie à la française dans notre chère capitale parisienne. Les concerts ne manquent pas, mais ça vous le savez déjà. A New York ils ne manquent pas non plus, mais ça vous le savez peut-être un peu moins. La ville regorge de salles de concert, minuscules ou immenses, somptueuses ou répugnantes.
C'était comment un concert à New-York ? Retour sur trois concerts marquants de ma vie new-yorkaise.



MGMT _ Psychédélisme envoûtant (Octobre 2013)



Pas besoin d’être sous drogues pour assister au concert de MGMT. Ils avaient déjà tout prévu pour nous faire planer. L’immense salle du Barclay’s center de Brooklyn, accueillant généralement l’équipe des Nets, s’était reconvertie pour l’occasion en véritable sanctuaire du psychédélisme et de l’irrationnel. Petite chemise d’enfant sage pour Andrew arrivant d’un pas timide au centre de la scène, accompagné de Ben, l’autre moitié du groupe, et de 4 autres musiciens. On aurait presque cru à un enfant de chœur si des formes multicolores n’avaient pas commencé à se dandiner sur l’écran géant en fond de scène, dès le retentissement des 1ères notes d’ Alien days . La salle se retrouve plongée dans le noir total, pas moyen de visualiser son voisin… Mais qu’importe puisque le voisin en question, étudiant ou artiste à lunettes vivant dans un loft à Brooklyn, est bien le cadet de nos soucis.
Toute notre attention est dirigée vers cet écran hypnotique et euphorisant. Combat d’arcs-en-ciel, silhouettes humaines bariolées, libellule géante, ce mélange d’absurde et de surréalisme nous subjugue, relayant Andrew et ses acolytes en second plan. Des pantins sur le devant de la scène, dont les notes de musique ne sont qu’une passerelle auditive vers cette débauche de couleurs et de fantaisie. La salle reprend tout de même ses esprits lorque Kids résonne. Dès lors, nos corps rentrent en transe et se voient dans l’envie irrépressible, dans l’obligation même, de sautiller furieusement et d’hurler en prétendant connaitre les paroles. Même si l’on parvient peu à peu à se détacher de l’écran satanique pour en revenir aux fondamentaux, c-a-d les musiciens sur scène, le mal est déjà fait : nous ne sommes définitivement plus dans notre état normal. En même temps, avec des titres aux noms évocateurs comme Flash deliriumAlien days ou encore Weekend wars, il ne fallait pas s’attendre à faire tourner les serviettes sur une reprise de Patrick Sébastien.


Grouplove _ Comment Girls m’a fait découvrir des bêtes de scène

(Novembre 2013)

Ambiance électrique et public éclectique dans la salle bondée du Poisson rouge. Ce n’est pas vraiment le même univers underground que dans les salles de concert de Brooklyn, mais la foule résolument glam & rock semble trépigner d’impatience. La 1ère partie est contre toute attente… un DJ. Cette soirée prendrait-elle des allures de clubbing ? NON, et heureusement. Le DJ (dont je n’ai finalement jamais connu le nom) s’amuse à remixer les tubes de Grouplove, entre deux bombes électro euphorisantes. Un peu rebutée par la tournure de ce début de concert, je me laisse finalement complètement emportée par le flow des musiques rythmées qui s’enchainent, oubliant presque que sur scène, il n’y a qu’un seul homme derrière sa petite table de mixage. Une heure plus tard, les fauves de Grouplove font leur apparition.

Le public est bouillant. Il ne va pas être déçu car aucun répit ne lui sera donner durant la performance des 5 acolytes de Los Angeles. Cheveux blonds peroxydés pour la chanteuse, tignasse bleue pour le chanteur/guitariste, le ton rock’n’rollesque est donné. Chaque chanson résonne comme un tube potentiel, les riffs de guitare sont puissants, et les airs restent dans toutes les têtes. Même en ne connaissant que très peu l’univers du groupe, on s’y retrouve assez vite : il y a comme des airs de déjà entendu, des réminiscences de tubes écoutés dans un film indé, une pub ou même dans une fameuse série citée plus haut.
Plus le concert avance, plus les yeux s’écarquillent, fascinés par ces bêtes de scènes bondissantes qui ne cessent d’enchainer les morceaux sans le moindre signe de relâchement. Ce n’est plus de l’énergie mais de la rage. De la rage joyeuse et contagieuse. L’auditoire est quelque part terrifié par toute cette énergie dépensée sans le moindre temps mort. Jusqu’au bout, le déchainement sera total. Pas une seule chanson ne nous laissera le temps de ménager nos petits pieds. On voudrait crier plus fort, sauter plus haut, remuer avec plus d’intensité. Mais après 13 morceaux dont 2 joués après le rappel, il est difficile d’augmenter encore le niveau. Puis vient le temps de la chute, rude : pas de transition entre frénésie et silence soudain. Il faudra un petit moment avant de réaliser ce qui vient de se passer sur cette scène. Car l’inattendu en a fait une surprise d’autant plus exquise et appréciable. J’en aurais presque oublié de la savourer.



FIDLAR _ Pogo, sueur & amour

(Janvier 2014)



Le lundi soir n’est généralement pas réservé aux excès. Début de semaine, on y va mollo, il reste encore 4 jours à tenir avant la débauche du week end. Mais c’était sans compter sur le concert de Fidlar. Un lundi soir. Et gratuit en somme !
La salle Baby’s all right, dans le Brooklyn underground, faisait donc salle comble pour le groupe californien le plus rock’n’roll du moment. Après deux groupes plutôt décevants en 1ère partie, un groupe de filles mollassonnes et un groupe de punk excessivement punk (oui parfois trop c’est trop), les 4 skateurs de Los Angeles arrivent en trombe sur scène, prêt à faire rugir les amplis. A ce moment là, mon émotion était grande, tant les 4 garnements avaient bercé mon été avec leur album tapageur mais non moins grandiose. Pas de vestiaire, -15°C dehors, bonnets et gros manteaux, la salle était déjà en sueur avant même le début des hostilités.
Les esprits s’échauffent, voilà que retentit Cheap Beer, qui est aussi la 1ère chanson de leur album. Bière, drogue, skate, sexe,… voilà un peu l’univers de Fidlar. Mais l’énergie que le groupe délivre sur scène nous donne juste envie d’hurler à plein poumon, dans la joie et la bonne humeur, en oubliant le réel sens des paroles. Car au fond, la véritable signification de « Fidlar » est bien « Fuck it dog, life’s is a risk ». Message reçu dudes.

Fuck it dog, life's a risk
Les chansons de l’album s’enchaînent avec une linéarité assez déroutante. Chaque nouveau morceau paraît ressembler au précédent, et pourtant l’engouement et l’excitation sont toujours présents. Les guitares et la batterie ont pris le pas sur la voix du chanteur, qui se fait de plus en plus difficile à entendre. Toutefois, l’agitation dans la salle va crescendo, et ce qui devait arriver arriva : un immense pogo se forme au centre du Baby’s all right. Durant les 2 derniers morceaux du concert s’installe une lutte permanente pour ne pas être réduit en bouillie : les spectateurs pas assez téméraires pour s’aventurer dans les pogos cherchent une place à l’abri de ce joyeux tohu-bohu. Mais d’un coup, l’espace se libère, la moitié de la salle est désormais sur scène. Au milieu de cette euphorie chaotique, personne ne semble ni choqué, ni incommodé : nous sommes juste heureux, et apaisés d’avoir libéré toute cette énergie dévastatrice. Les dernières notes retentissent, les spectateurs se calment et retrouvent leurs esprits, la salle se vide. Chacun repart, prêt à affronter le train-train quotidien du reste de cette semaine entamée sur les chapeaux de roue.




L'autobio rock'n'roll d'un type 
"moitié homme, moitié cheval"

Par "aricose", ami internaute, sur le bouquin "Life" de Keith Richards des Rolling Stones.

"Levitation is probably the closest analogy to what you feel — whether it's 'Jumping Jack Flash' or 'Satisfaction' or 'All Down The Line' — when you realize you've hit the right tempo and the band's behind you. It's like taking off in a Lear Jet."


Hi!
Je viens de terminer un des bouquins qui sera pour moi une des révélations les plus sympas de ces dernières années (et, croyez-moi, je lis pas mal).
Il s'agit de "LIFE" de Keith Richards (Keef de son surnom pour les intimes).
C'est un livre (bon, fait avec un nègre, forcément, James Fox, un pote journaleux à lui, mais on s'en fout, sauf que Keith a l'élégance, lui, de le citer) de 6OO pages, qui coûte une vingtaine d'euros. Eu à noël, j'l'ai fait durer autant que j'ai pu: trop bon!
Si j'en parle ici, c'est que c'est un livre de musicien, on y apprend sa redécouverte de la pratique de la gratte par l'angle (si j'ose dire) de l'open tuning en G. Oui, on a tous fait ça, je sais, mais pour le blues slidé, avec un bottle neck, lui en a fait un art, en supprimant la corde de mi grave (même baissée en ré) et a fini par se faire faire des grattes spé, à cinq cordes.
Et c'est pour ça que j'avais du mal à retrouver les riffs de tous ses tubes, façon honky-tonk women, et autres...
Ce qui est fascinant (je trouve), c'est comme le bonhomme nous ressemble: le rock initial à la radio, sous les couvertures, les premières bidouilles avec des magnétos à cassettes sur-saturés et des re-recordings pour pallier l'absence de pédales fuzz pas encore inventées...
L'histoire du décollage du groupe, vue de l'intérieur, est bluffante.
Ses histoires de cul et de cœur sont comme les nôtres (les miennes, en tous cas): c'est un tendre, un fidèle (mais très baiseur), pas un forcené du nombre, façon Wymann ou Jagger, qui font la compète de la collec', comme les branleurs qu'on a tous connus. Bien sûr, ses filles à lui sont des mannequins, des vedettes (normal, c'est la vie!).
Il parle de sa longue aventure avec la dope avec une franchise que, personnellement, je n'avais jamais rencontré à ce jour, sans forfanterie, sans intellectualisation (c'est pas un intello, c'est un sage, c'est différent), sans prosélytisme évidemment, sans regret.
Il est d'un physique maigrichon, mais il résiste à tout, comme une mauvaise herbe des champs, et nous sort de jolies fleurs.
Il a atteint son but: être le guitariste de blues/rock au top, derrière le lead vocal (même si on sent que le lead vocal qui se la pète trop, l'énerve, il est jaloux, car humain)
C'est pas un super soliste, façon Mick Taylor, un finasseur du ciseau à bois, c'est un bucheron, mais un virtuose de la hache.
Son modèle: les blacks. En tournée, il passe la voie de chemin de fer, comme disent les anglo-saxons, il va dans les bouges des blacks, ousqu'ia fumées, musiques, et ce qui va avec. Il est accepté, il est du pays.
Il est très humain, c'est sûr, c'est pour ça qu'il m'a toujours botté, et ça m'a amusé de voir que j'avais des goûts et penchants communs avec lui (comme des millions d'autres ) et que, moi qui ne croit pas à l'astrologie, j'étais né juste 10 ans après lui (comme un certain Nelson) et que, comme il dit: "on est moitié homme-moitié cheval: on a le droit de chier dans la rue!" (quand on est sagittaire).
Et je le crois quand il dit qu'il continue de faire de la musique avec les autres, non pour la thune, mais pour le plaisir inégalé que ça lui procure, en le collant au plafond dès le premier accord, mieux qu'une ligne de coke, car on sait tous que c'est vrai.
Et je remercie la technique, moi le parfois passéiste, qui me permet, grâce au net, de ré-écouter, en le visualisant, tel ou tel titre des stones, dont je sais maintenant grâce à lui comment il a été composé, comment il a fallu pallier les défections de Brian sur ce coup, ce à quoi ça faisait allusion, etc.
Vous m'avez compris, je conseille ce bouquin à mes potes!
aricose: jamais lu gala ou voici, mais se découvre groupie la cinquantaine passée, c'est du propre! 

"People say 'why don't you give it up?' I don't think they quite understand. I'm not doing it just for the money, or for you. I'm doing it for me." – Keith Richards
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